Haut et puissant seigneur Bernard de Bonne , seigneur d’Hautpoul et autres lieux, devint coseigneur de Graulhet et Missècle par son mariage – dans le premier quart du xive siècle avec Marquise de Lautrec, fille de noble et puissant seigneur Gui de Lautrec, seigneur du Cayla, la Garrigue et Saint-Germier, qui lui avait donné en dot une part des censives et la huitième partie de la juridiction de notre ville et de son village voisin .
Marquise de Lautrec
Selon certains auteurs dont Mazens, le père de Marquise de Lautrec, serait Philippe III, fils de Gui
Beaucoup d’informations données dans cet article sont discutables ! Celles-ci en particulier.
Peut-être originaire de Bonne, en Allemagne, mais plus certainement de la terre de Bonne située à deux lieues de Saint-Jean-de-Maurienne, en Savoie, la maison de Bonne comptait dès le xiiie siècle parmi la noblesse de chevalerie du Languedoc : on sait en effet qu’un Raymond de Bonne combattit aux côtés de Raymond VI de Toulouse.
Effectivement, vers l’an 1180, les Bonne s’étaient divisés en deux branches, l’une s’étant fixée dans l’Albigeois l’autre s’étant établie dans le Dauphiné.
Toutes deux conservèrent pratiquement les mêmes armes : « de gueule au lion (d’or ou d’argent) au chez cousu d’azur chargé de trois roses d’argent » avec pour devise : « Gandiendo robore floret », il prend des forces en avançant.
La branche albigeoise des Bonne fut un peu étouffée par la célébrité de ce cousin dauphinois. Elle n’en joua pas moins selon Edmond Cabié, « un rôle important dans notre pays ». En fait, pendant plusieurs siècles, cette famille consulaire a joui chez nous – et comme on va le voir – de la plus grande considération. Et pendant des siècles lui appartint à Albi, « un hostal, verdie et fenial a la cariera de la Grana », une maison noble à l’angle des actuelles rues « Roquelaure » et « des Nobles », très bel hôtel particulier dont la restauration récemment entreprise est en très voie au cœur du viel Alby.
Elle avait été construite par François de Lagrave, puis avait appartenu au consul Bernard d’Avisac qui la vendit à Bernard de Bonne « l’an LXXVI, XX de Julh ».
Ce dernier, seigneur d’Hautpoul, avait donc épousé Marquise de Lautrec vers 1320/1325, devenant de ce fait le seigneur de Missècle et coseigneur de Graulhet.
En 1344, nous le trouvons juge d’albigeois. Dix ans plus tard, commis par le comte d’Armagnac, il délivre aux habitants d’Albi une quittance de Trois cent trente-trois écus à eux imposés opur la guerre de Gascogne.
Il venait quelques mois plus tôt d’être nommé juge criminel de la sénéchaussée de Carcassonne et, à ce titre, fut désigné par le sénéchal Thibaud de Barbasan, le 15 décembre de l’an 1355, pour aller visiter les châteaux, cités et villes de le viguerie d’Albi et du Castrais.
Il eut pour assesseurs Bernard-Raimond de Durfort et le chevalier Guillaume de Villespassans.
Ils avaient pour mission de « faire fortifier celles de ces places qui pourroient être mises en état de défense, abandonner les autres, et faire retirer les habitants dans les lieux fortifiés, parce que les ennemis se vantaient de faire bientôt une nouvelle irruption dans la sénéchaussée, et que si ces lieux avaient été fortifiés, suivant les ordres qui en avoient été donnés, le prince de Galles et les autres ennemis du roi, étaient entrés depuis peu dans la sénéchaussée, ayant trouvé tous les lieux ouverts et sans défense, ne s’en seraient pas emparés et n’y auraient pas mis le feu, comme ils avoient fait, à la honte et au détriment des sujets du roi et du roi lui-même ».
Il faut bien avouer que dans les ordres antérieurement donnés pour la fortification des villes et des villages avaient été, sauf à Albi, fort peu suivis ou mal exécutés. C’est pourquoi les commissaires décidèrent que les habitants des lieux mal fortifiés – tels les Avalats, Maussans, Rouffiac et autres – devraient se retirer, eux et leurs biens, en cas d’alerte, à Albi et contribuer à la défense de cette place que son évêque prit toutes dispositions pour renforcer encore.
Arrivés au château de Monsalvi, Bernard de Bonne et ses lieutenants constatèrent que – contrairement à celui de Puygouzon – il ne pouvait être mis en état de défense qu’à très grands frais. Ils convoquèrent les habitants qui jurèrent sur l’Évangile n’être pas assez riches pour réparer cette forteresse. Ordre leur fut donc donné de se retirer à Albi, « place forte de premier ordre, la clef du pays ». Intervinrent alors les chanoines de Saint-Salvy qui rappelèrent qu’ils tenaient Monsalvi du Saint-Siège et qui promirent qu’ils feraient tout leur possible pour mettre le fort en état et qu’ils y feraient porter suffisamment de vivres pour soutenir un siège. Mais les commissaires ne tinrent aucun compte de ces promesses plus ou moins fallacieuses et donnèrent quinze jours aux habitants pour vider les lieux.
Il en alla de même pour les habitants de Massals et Bézancourt qui furent astreints à se réfugier à Paulin, cependant que la place de Lacaune servirait de refuge à nombre des villages du comté de Castres, que les habitants de Monestiés furent chargés de la garde du château épiscopal de Combefa et que tous les châteaux inaptes furent pratiquement démantelés.
Le 13 mai 1368, Bernard rendit hommage à Bouchard, comte de Vendôme et de Castres, pour tous les biens et fiefs nobles qu’il possédait dans la terre de Lombers et le comté de Castres.
Le 16 juin, il cosignait avec Raimond de Sainte Gemme, évêque de Castres, et Amiel de Lautrec, chancelier de Toulouse, la sentence arbitrale rendue pour mettre fin à un procès qui opposait le chapitre de Sainte Cécile d’Albi à la ville.
Et, toujours en 1368, il intervint pour faire contribuer toutes les communautés de la viguerie aux frais engagés par la ville d’Albi pour l’envoi de députés à diverses assemblées convoquées par le roi ou ses lieutenants à Toulouse, Carcassonne, Béziers, Montpellier, Nîmes, etc. dans l’intérêt de la défense du Languedoc, et à d’autres dépenses d’utilité publique.
L’année suivante, il recevait une gratification de cent francs d’or de la part du duc Louis d’Anjou pour les services « qu’il lui avait rendus durant sa dernière maladie ».
Bernard de Bonne, en 1374, se trouvait, comme très souvent pour de longs séjours à Carcassonne lorsqu’une députation de notables albigeois le vint prier d’écrire à son fils, Philippe, qui était à Paris où précisément la ville qui plaidait au parlement contre l’évêque. Philippe dût intervenir au mieux des intérêts de la cité car, de retour quelques jours plus tard avec femme et enfants, il se vit offrir : 13 paires de poulets à 20 deniers la paire, 3 paires d’oies à 14 deniers, 2 torches et une liasse de chandelles de cire. Le « fol » de M. d’Hautpoul ne fut pas oublié dans la distribution ; sans doute avait-il servi d’intermédiaire.
Le 10 octobre 1385, Bernard de Bonne fonda une chapellerie perpétuelle dans l’église de Saint-Salvy. Il fit don de 200 livres qui furent employées à la réparation du clocher menaçait ruine et dont les cloches furent transférées dans la seconde tour, de la « la Gâche ». Il se réserva la patronage de cette chapellerie pour lui-même et ses successeurs, et à défaut ce patronage devait échoir aux consuls.
Est-ce en remerciement qu’il reçut quelques mois plus tard des dits consuls : 14 paires de galinats (22 sous 1 denier), 4 paires d’aucats (18 sous 9 deniers), 1 livre de chandelles de cire (2 sous 11 deniers), 2 torches pesant 6 livres 3 onces et demie (à 2 sous 8 deniers la livre) et 3 setiers d’avoine (à 4 livres 4 deniers le setier) ?
Le 10 juin 1391, il était fait chevalier et les notables d’Albi lui offrirent 2 marcs d’argent valant 12 francs.
Il avait testé le 14 décembre par devant Me Lanfrény, notaire à Carcassonne, et décéda le 24 février 1394. Son service funèbre fut célébré avec une grande solennité : des enfants portaient des torches, et des notables le Drap d’Or pour lequel la ville d’Albi donna 15 sous à la confrérie Notre Dame de Saint-Salvy.
L’influence de son fils et héritier Philipe de Bonne – nous en avons un aperçu – ne fut pas moindre.
Seigneur d’Hautpoul, de Missècle et de Graulhet, il épousa Marguerite, dame de Marguerites, importante seigneurie située près de Nîmes.
Le roi Charles VI fit en 1386 de grands préparatifs de guerre contre l’Angleterre, il rassembla une puissante flotte au port de l’Écluse… et fit lever dans tout le royaume un subside « pro passagio maritimo ». Pour régler cette affaire en Languedoc, le principal commissaire et conseiller du roi pour les aides ne fut autre que Philippe de Bonne. Il fut à Carcassonne du 18 juillet au 29 août, retourna à Paris le 19 novembre, repartit bientôt pour le Midi, et nous le retrouvons à Carcassonne le 14 janvier 1387, à Avignon le 1er février de la même année et à Albi en 1388 lors d’un conseil tenu par le comte d’Armagnac. Notons qu’il diminua considérablement le montant de l’impôt dû par les habitants d’Albi et probablement de Graulhet et en exempta ceux de Saint-Paul Cap de Joux.
Juge mage à Toulouse, il aimait venir passer les Fêtes dans sa maison familiale d’Albi et la ville ne manquait pas en ces occasions de lui témoigner sa reconnaissance : deux lapins lui furent offerts le jour de Noël 1403 par exemple !
Mais sa carrière devait se terminer tragiquement.
À la mort de Pierre de Saint-Martial, l’archevêché de Toulouse était venu à vaquer. Vital de Casterlmoron fut élu à la succession par le chapitre unanime. Mais Benoît XIII en pourvut Pierre Ravot, évêque de Saint-Pons, qui – soutenu par l’Université Toulousaine -- décida de prendre possession de l’archevêché le 13 novembre 1406.
« Ce jour-là, -- nous dit dom Vaissette – une centaine de professeurs, docteurs et écoliers, munis d’armes offensives et de défensives, parmi lesquelles il y avait des religieux, des chanoines et autres ecclésiastiques, se rendirent ensemble à la cathédrale de Saint-Etienne, pour installer Pierre Ravot, nonobstant l’appel que Vital de Castelmoron et le procureur du roi joint à lui, venaient d’interjeter de ce procédé. Philippe de Bonne, juge mage de Toulouse, se rendit en même temps dans la cathédrale de Toulouse pour s’opposer à la publication des bulles ; mais les docteurs et les écoliers ayant tiré leurs dagues et leurs épées contre ce magistrat et contre les autres officiers du roi qui l’accompagnaient, il fut tresbusché par le peuple, foulé aux pieds, et tellement meurtri qu’il en mourut peu de jours après ».
Indiquons pour mémoire que Bernard avait eu quatre enfants, Philippe en laissa quatre également, dont deux filles : Cécile et Eudie. Le cadet, Bernard, seigneur d’Hautpoul et de Nogarède, deviendra sénéchal de Carcassonne. Quant à l’aîné, Pierre, 1er du nom, il hérita des seigneuries de Marguerites, de Graulhet et de Missècle. Il rendit hommage au roi le 16 mars 1411. Veuf de Fleur de Perrin, il épousa en secondes noces Louise de Baulac qui lui donna six enfants (3 garçons et 3 filles).
Consul d’Albi en 1421-1422, Pierre 1er de Bonne mourut en 1437.
Lui succéda son fils aîné Pierre IIe de Bonne, damoiseau, seigneur de Marguerites, de Graulhet, de Missècle et de Ronel, qui épousa Sidoine d’Aule dont il eut cinq garçons. Consul d’Albi en 1467-1468, député aux Estats, il fut investi du gouvernement de la ville de Castres par brevet du 15 mars 1484 et mourut cinq ans plus tard.
Son troisième fils, Jean fut seigneur de Graulhet. Son frère ainé, Girmond de Bonne, seigneur de Marguerites, Missècle, Gourjade et Ronel, épousa, à Castres, le 20 novembre 1490, Catherine d’Hautpoul, fille de Nicolas, seigneur d’Hauterive.
François, son aîné de huit enfants (dont 6 filles), lui succéda en 1512. Il épousa en 1525 Anne de Roaix de Belpuech qui le rendit père de :
Achille, Seigneur de Marguerites et de Ronel, coseigneur de Missècle, héritier universel de son père ;
Jean, auteur de la branche des seigneurs de Missècle et de Viviès ;
Madeleine, religieuse au monastère de Prouille ;
Jacqueline, dont nous allons parler.
Jacqueline de Bonne, en effet, et son frère aîné Achille nous intéressent tout particulièrement.
Ayant cédé ses droits à Jean Bâtard d’Armagnac ou à Hugues d’Amboise, leur oncle Jean fut le dernier Bonne coseigneur de Graulhet… où jamais d’ailleurs il ne résida, pas plus que n’y résidèrent l’un ou l’autre de ses ancêtres ou parents.
Il faudra attendre la fin du xviiie – avec les Taffanel de la Jonquière, issus d’Achille – et le de début du xixe – avec les Brandouin du Puget, issus de Jacqueline pour que nous trouvions enfin – par le jeu des alliances – de descendants de Bernard de Bonne installés dans cette ville dont il partagea la seigneurie. La filiation de chacun de ces rameaux nous est montrée par le tableau ci-dessous :